A l’occasion de cette rentrée, Malakof Humanis a fait couler l’encre en publiant son « Baromètre annuel Santé et qualité de vie au travail ». Le constat laisse songeur…
On y lit notamment que « le nombre de salariés arrêtés est supérieur à 40% chaque année depuis 2016 », sachant qu’en 2022 les maladies psychologiques deviennent la 2ème cause d’arrêt maladie et le principal motif des arrêts longs, passant de 14% en 2016 à 28% en 2022. On constate aussi que les managers sont davantage concernés (2 à 5 points au-dessus de la moyenne), ainsi que les femmes (48% des femmes versus 27% pour les hommes en 2022) et les jeunes de 18-34 ans (46% d’absentéisme en 2022 !).
Comment expliquer cette lame de fond ? L’idée n’est pas ici de mener une réflexion approfondie sur toutes les causes possibles. Cependant soulignons la caractéristique multifactorielle de l’absentéisme en le replaçant dans une vision globale. Il peut survenir après un problème de santé ou un accident brutal et hors de contrôle, mais peut aussi naître d’un déséquilibre des conditions de travail ou de la vie privée. Dans ces dernières situations c’est surtout l’accumulation et la conjonction qui va amener à un arrêt.
Prenons une situation réelle.
Fernand travaille à l’usine en horaires de nuit. Au fil des années la fatigue s’accumule. Son rythme à contre-courant de celui des autres membres de sa famille amène frustrations et tensions. Épuisé, il ne prend pas part à la vie familiale et ses activités se réduisent progressivement. Au travail les relations ne sont pas au beau fixe. Du jour au lendemain, il ne parvient plus à venir à l’usine.
Nous voyons ici que la conjonction de tous ces éléments qui pourtant, pris isolément, n’auraient pas nécessairement eu de conséquence, aboutissent à un profond mal-être.
Plus largement, pour l’entreprise, les conséquences ne s’arrêtent pas à une absence prolongée de Fernand. En effet, les collègues chargés de le remplacer commencent à manifester des signes d’usure. Les tensions augmentent entre eux au sujet de leur répartition du temps de travail. De nouveaux arrêts de travail en cascade se déclarent.
Nous pourrions continuer sur ce scénario encore longtemps…
Ceci pour souligner le potentiel impact sur tout un écosystème, avec un effet boule de neige vicieux, lorsque ne serait-ce qu’un salarié se retrouve en détresse : désorganisations, dégradation du climat social, surcharge de travail sur le reste de l’équipe, avec perte de motivation pour les uns, risque de « contagion » pour les autres.
Quelles actions pour désamorcer le cercle vicieux et retrouver une dynamique plus positive ?
Evoquons deux axes d’actions, l’un curatif et plutôt personnel, l’autre préventif et davantage collectif.
- Sur le plan « curatif », lorsque l’arrêt est déclaré, le manager essayera de garder un lien avec le salarié absent ; il pourra l’appeler (ou lui proposer de l’appeler, sans forcer) pour simplement prendre de ses nouvelles et montrer que l’absent compte toujours. Sans nécessairement évoquer déjà une organisation de retour, le salarié n’y est probablement pas prêt. L’amorce du retour sera aussi un moment capital pour la bonne réintégration du salarié. Il se prépare avec le salarié mais aussi le reste de l’équipe. L’accueil, chaleureux mais pas trop envahissant, peut-être progressif.
- L’axe « préventif » passe principalement par un management de proximité de qualité, avec une réelle écoute, une connaissance des salariés et de la situation actuelle de chacun nécessitant parfois des aménagements pour éviter la dégradation.
En conclusion, de même que c’est souvent une conjonction d’éléments défavorables qui mène à l’absentéisme, il est nécessaire que la prise en compte repose sur une conjonction de moyens pour être efficace. Le défi des prochaines décennies sera de réussir à combiner des actions sur tous les plans pour tenter d’endiguer ce phénomène et ainsi d’infléchir la courbe de l’absentéisme.