Pas un jour ne passe sans que des articles de journaux grand-public ou spécialisés ne parlent de « grande démission » et, ces dernières semaines, d’un nouveau concept, le quiet-quitting, le travail au strict minimum. Tout cela traduirait le grand désengagement des salariés, notamment de la génération Z, vis-à-vis de l’entreprise. Celle-ci serait désormais jugée au-delà du salaire, du management et de la qualité de vie au travail, sur son engagement sociétal et sur sa capacité à délivrer du sens. Travailler ? Oui ! Mais pour quoi ?
Il est un lieu commun de rappeler que travailler participe, entre autres finalités, à la socialisation de l’homme et par la même à son humanisation. Or, il nous semble que les entretiens professionnels bien vécus peuvent participer de cette réhumanisation des relations de travail. Au-delà de la prise en considération des personnes et de leurs attentes, ils redonnent un sens plein et entier au rôle du manager et du responsable des ressources humaines. La vision utilitariste du terme ressources nous pousserait d’ailleurs à préférer celui de responsable des relations humaines.
Depuis plusieurs années, la liste des entretiens obligatoires entre l’employeur et ses collaborateurs n’a cessé de s’allonger avec son cortège de sanctions financières. Souvent issus de pratiques RH ou managériales puis repris dans des conventions collectives, ces entretiens ont connu leur « consécration » dans la loi. Entretiens professionnels tous les deux ans, puis au terme de six ans, multiples entretiens après ou pendant des absences, entretiens manageriaux…
En devenant obligatoires, ils ont certainement perdu de leur noblesse, qui naît d’une forme de spontanéité, et peut-être aussi de leur sens. A raison, ils ont pu paraître à certains comme un artifice relationnel.
Il n’est pas l’occasion ici de se lamenter sur cette inflation normative mais de retrouver, malgré ces contraintes, une forme de liberté, de responsabilité et d’humanité. Le pire serait de réaliser ces entretiens uniquement pour respecter une norme et s’affranchir d’une sanction pécuniaire qui peut s’avérer lourde. A une époque où la question du sens au travail redevient centrale, redonnons leur toute leur place.
Quels sens leur donner ? Les orientations aujourd’hui peuvent être nombreuses mais certaines peuvent être accusées d’utilitarisme et d’unilatéralisme : du côté de l’entreprise, contrôler et piloter un salarié, développer la performance, fidéliser ; du côté du salarié, pouvoir progresser toujours plus rapidement.
Leur premier rôle est à n’en pas douter de recréer du lien entre les personnes dans une époque de virtualisation des relations. Les salariés ont besoin de s’adresser à de vraies personnes et non pas à des adresses mails déshumanisées ou à des centres d’appels anonymes. Des entretiens réguliers avec son manager et avec son interlocuteur RH, incarnation humaine de l’entreprise, permettront une écoute et un renforcement de la connaissance mutuelle. L’intermédiaire d’un cabinet spécialisé peut s’avérer complémentaire, voire nécessaire quand les managers ou RH sont déstabilisés ou démunis pour mener de tels entretiens ou quand la qualité de tiers extérieur est propice pour une prise de recul.
Ces entretiens seront d’autant plus pertinents (ne parlons pas d’utilité !) qu’ils seront gagnant-gagnant. L’aspect légal de ces entretiens est un fait. Comment néanmoins créer, en complément de moments improvisés souvent plus importants pour les collaborateurs qu’un exercice imposé, un moment qui participe à donner du sens ? En écoutant les attentes des collaborateurs, en préparant les trajectoires d’évolution tout en challengeant, en suscitant la motivation, en prévenant les conflits, … Ces moments d’échange auront l’effet d’un miroir et seront d’excellents indicateurs de la santé de l’organisation, du management, du développement des ressources humaines et de la qualité de vie au travail de l’entreprise. Ces entretiens, issus du regard croisé de managers, de RH ou de consultants, seront autant de mines d’informations pour construire et faire évoluer l’entreprise avec plus de sens.
Sans qu’il soit question de satisfaire tous les besoins exprimés par le salarié, il pourra exprimer (ce qui n’est pas exprimé, s’imprime et crée du ressenti) ses souhaits, ses joies, ses doutes et ses colères. Ses demandes d’explications exigeantes obligeront RH et managers à donner, à chercher peut-être, toujours plus de compréhension du travail demandé. Le parler vrai de part et d’autre contribuera à éviter les faux-semblants et à améliorer la relation de travail.
Alors, vivons ces entretiens avec sens !